Une demi-sphère translucide. Dotée d’un cylindre blanc aux bords arrondis. Reflets des lumières, n’arguant aucune fioriture. Juste des rectangles, de luminosité franche, sans douceur. Des néons réfractés, peut-être. A l’intérieur, une deuxième demi-sphère, sombre à effet mat. Au milieu d’une forme également sans bords drus, le viseur pointe. Pointe et fait cible. Mais il ne souffle mot à celui qu’il observe. Il avale des images sans faire montre de son geste. Captation. Cercle dans un cercle, dans un cercle, dans un cercle. Mise en abîme finie, au gré des grossissements, des rectifications de focale, du faire-net. C’est comme si l’oeil qui nous regarde se rétractait pour se rendre discret, imperceptible. Celui-ci est doublement masqué. A savoir : derrière ses réfractions d’entour – oeil de nacre -, derrière la technologie en elle-même – oeil de plomb -. Quant à l’oeil de chair, il se cache, bardé comme un vainqueur d’une hyper-lunette de combat. Mais sans moindre trace d’agressivité, pourtant. Comme s’il fallait prendre des gants pour atténuer l’effet voyeur. La capture est omni-visuelle. Souvent d’ennui, d’ailleurs. Quant aux scènes d’importance, elles sont pré-décidées par un algorithme, claquant le nombre et se calquant sur des critères pré-programmés, manière de pré-voir et de cerner ce qu’on stéréotype. Il faut bien, car la vue est panoramique. Du morphe omniscient, bien qu’en apparence. La lentille dévore à 360° les tissus mouvants et les corps, sans dire autre chose que « toi, tu es vu, oui, tu es vu, je te vois ». Un « je » impersonnel, un « tu » informel, et 100% informationnel. La machine. Oubli du corps l’activant, tantôt, partiellement. Mise en débord de l’image étirée, qu’on ne peut voir, tout au plus imaginer. Une vision déformée, déformante, décharnante en double courroie. Substitution par numérisation. Couleurs saturées, vue d’enhaut. Et le son. Banderole phonétique avec bruits d’arrière-fond. Jamais entendu par quelqu’un d’autre que l’oreille-masquée. Conversations en tout genres. Discussions d’ascenseur, rumeur ou complot. Micro, petite perle délatrice, qui métricise tous les propos, quels qu’ils fussent, quels qu’ils deviendront. Du pronostic. Prédiction comportementale. X ressemble à Y. Donc, résultat d’enquête : ils agiront de façon même. S’ils détectent par ailleurs, que de profilage ils sont devenus écoute humaine, ou quand bien même ne le fussent-ils pas, l’effet sera le même : auto-contrôle. Souriez, vous vous rigidifiez. L’oeil planant, en survol, arrache l’être de son point focale naturel. Il regarde tant au-devant qu’au-dessus de lui-même. Quadruple effets de vision, entrecroisés et pourtant séparés. L’oeil voyant, calfeutré par son armure miroitante, regardant l’oeil vu et imaginant ses intentions. L’oeil vu voyant le décor avoisinant. L’oeil vu en train de voir l’oeil imaginaire le mirer. Deux fois double coup d’oeillade. Pour qui et pour quoi ?