Vrombissements du crayon qui crie sur le papier…
Le pixel maladroit et artisanal imprime, structure le chaos dense de cette machinerie infernale ; le trait de Frédéric Clot semble à la fois si fragile et si furtif qu’il nous échappe par instants. Il y a dans cet invraisemblable fratras de lignes une ville qui se dessine. Un habitat, sans personnages, avec pour seule présence la blancheur du papier. La ville flamboie-jaune avec vue du dessus. Puis chavire à nouveau vers le dessin-brouillon qui chaote et bégaie, qui dysfonctionne dans une danse étriquée qui contraste avec l’harmonie que susurre le tableau.
Frédéric Clot est un artiste de la vitesse, mais sans les prétentions et les grandes pompes des futuristes. Il ouvre un pas vers le boogie-woogie d’un Mondrian, tout en ressassant dans ses lignes fortes et fougueuses les pollutions des fonds de nos villes. Cet artiste ne se cache pas, il dévoile dans une trombe d’émotions saccadée de traits crayonnés et de peinture, un panel émotionnel de stress et de nervosité, qui donne le ton à ses oeuvres, si parlantes à propos de nos sociétés modernes.
Qui aime vivre dans la grisaille et dans le stress permanent ? Dans cette mare étouffante de voitures, de bruits et de lumières ? La ville de Clot semble sans issue, même si ses oeuvres ne présentent pas de compositions fermées… On ne peut pas en sortir, la ville et la machine sociétale nous absorbe, nous mâche et nous recrache. Après avoir observé plusieurs instants d’affilée les oeuvres de Frédéric Clot, on retrouve son souffle, comme si l’on pouvait enfin changer de vêtements après une pluie diluvienne.
Cette impression si forte que laissent ses tableaux est dû tant au rendu esthétique et frémissant de ses traits, qu’au sujet traité lui-même, qui parle de notre époque.
Témoin de son temps, il fait transpirer ses tableaux d’une vitesse qui le dépasse, qui le pousse néanmoins en avant car le faisant créer, et avec un talent sans bornes.
Frédéric Clot est un de ces artistes prometteurs qui ne part d’aucuns modèles, qui réfléchit et trace avec son intuition et son imagination débordante. Ses oeuvres sont entre-elles cohérentes, le message est clair tout en étant montré de façon subtile. Le plus formidable dans ce corpus est le décalage entre le médium et le sujet. D’un côté il y a vitesse, croissance exponentielle, pollution par le stress et le bruit, et de l’autre un simple coup de crayon sur un grand papier blanc, le minimalisme assuré.
Frédéric Clot, il fait vrombir, il saccade, il pixellise à la main, il cisaille le papier de graphite dans un rendu presque cauchemardesque et pourtant intimement esthétique.