L’impression est fugace. Les cliquetis de l’eau résonnent en irrégularité trouble dans la pièce, au sein d’une ambiance extrême de moiteur. Le blanc trône sur un fond-piscine, car l’aquatique n’est pas un principe éloigné : l’eau, miroitante, peut être vapeur, et rêve…
Or précisément, l’onirisme, qui enlace de sa cape généreuse les œuvres d’art de la chambre de plaisance que je visite alors, me plonge dans un état second.
Je m’immerge. Point de jonction entre moi et mon reflet ? Un cochon.
Un cochon me direz-vous ? Plaît-il, pourriez-vous préciser ? Bien entendu !
Sa fluorescence de tire-bouchon finalise ce qui de ballon devient « Pig ».
Et pas n’importe quel « Pig ».
Le Pigasus.
Ce même cochon, qui, défiant les lois de la masse, court avec des ailes invisibles dans les cieux qui ornent les contours d’une fête foraine. Lui qui est sorti de sa boue originelle, flotte à foison sans être arrêté par personne. N’est-ce pas là le cochon créateur, qui sort des sillons-autoroutes pour s’engouffrer dans les doux mirages d’un souvenir d’enfant ?
Lisant les rides de ma face, sur une peau de cochon-miroir, je saisis que le temps est passé… Je me rappelle de moi, enfant-joueur, enfant-jaillissant, qui virevoltait dans les airs avec des avions en bois clair et des bouts de scotch. Les rafistoler n’était pas si inaccessible, l’imaginaire liait les autres éléments comme le ferait un œuf dans le cake aux carottes de maman.
Je me souviens soudainement son goût… Mais ce n’était pas si madeleine, car l’aspect vif de ma salive d’antan m’échappe à l’instant même. Non, non, il faut que je regarde ce cochon, je veux la remémorance de mes jours passés, lorsque j’étais animé par les vents des hélices de mes avions-amis…
Les miroitements me renvoient à un trouble, car ils déforment qui je suis. En effet, me voici dupliqué, triplé, quadruplé, cinqtuplé, sixtiplié sur sa tête ricanante, et fière.
Que veux-tu me dire, petit cochon ? Ou plutôt devrais-je dire, gros cochon, toi qui es si dur avec ma personne. Quel est ton message pour moi, toi qui me renvoies les crevasses du temps sur mon visage et mes grimaces involontaires ?
Est-ce vouloir me rappeler qui j’étais alors ?
Avant, bien avant que je ne devienne implacable et gris de sérieux ?
Tu me tourmentes, gros-gros vilain cochon, toi, dressé sur ton hexagone de jais !
Toi, tu te repais de ton vide intérieur, comment oses-tu me faire la morale ?
Mais le cochon sourit, subrepticement. Je saisis alors que le cochon, dans une canaille bienveillance, cherche en réalité à me questionner. Mystérieux cochon, cessons cette torture, dis-moi ce qui t’habite ? Pigasus invoqué, des paillettes éclatent en tourbillon de couleurs, m’entraînant dans une danse malgré moi, moi, moi qui sens au fond de mon coeur ma cravate se serrer.
Elles me rappellent, ces paillettes… Elles me rappellent les faces grimées des spectacles, lorsque papa m’emmenait voir les auto-tamponneuses à la fête foraine.