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Le Key-Déli-Ô-Scope [Français]

En chemin, je remarquai un spectacle pour le moins… étonnant. Le plafond était sillonné par des frelons, qui virevoltaient dans tous les sens. J’interrogeai Cid. « Mais vraiment, t’es au courant de rien ? Tu ne sais pas que le Renseignement utilisent des drones en forme de mouches ou de moustiques ? C’est la technologie antérieure aux Nuées d’Oiseaux, mais ils en font toujours usage. Ces frelons, tu vois, c’est des Gobeurs. Ils avalent les drones-mouches ». Je me permis de faire la remarque que le procédé était ingénieux, bien que simple dans son principe. « Ouais ouais. Bon, voici Ezil. Elle t’accompagnera. Reste absolument à côté d’elle, sinon, je t’avertis : tu vas souffrir le martyr, et on ne pourra plus rien faire pour toi ». La fille en question, sous sa combinaison, semblait avoir des cheveux courts noirs. Elle avait un tatouage circulaire sur le front. « Ezil, voici Aksel. C’est le Key-Secure-Ô-Log qui va… tu sais quoi. Désolé, mais on a dû te coupler avec lui. Il est carbone. Occupe-toi en bien ». L’énigmatique Ezil souffla : « C’est la troisième fois depuis Diane que… ». Je m’écriai : « Mais bon sang, c’est qui cette Diane, dont on ne cesse de me parler ? Qu’est-ce qu’elle a à faire avec moi ? ». Cid soupira : « Ecoute Ezil, je te laisse lui parler de Diane, moi je dois retourner sur le terrain. J’ai un message à transmettre ».

Ezil se tourna vers moi et prit la parole : « Diane est à l’origine du mouvement saufsurvoyant. Son histoire remonte à de nombreuses années, vingt ans, quelque chose comme ça. C’était avant l’arrivée du Key-Déli-Ô-Scope. Elle était sous surveillance accrue : ses recherches étaient compromettantes pour les multinationales de l’époque. Ses surveillants avaient placé tout un dispositif de micro-caméras dans son appartement et l’avaient pucée. Ils l’observaient au quotidien. Seulement, Diane est parvenue, notamment en discourant au travers de sa puce, à convertir ses surveillants à sa cause. S’en est suivi une immense révolution de palais, dans le secteur sécuritaire. Le Renseignement n’a pas toléré un tel revirement : ils ont massacré un grand nombre de révolutionnaires, et ils ont capturé Diane. On ne sait pas si elle est toujours vivante. Chose en est qu’on lui doit l’initiative de notre mouvement. Le reste, on le doit à nous tous. De nombreux ingénieurs, scientifiques, artistes et philosophes nous ont rejoint. Diane était diamant. Son diffuseur, je veux dire. Diamant. Concentré maximal de carbone. Comme toi. Et comme moi. Tu as compris ? Tu ne dois jamais te déplacer sans que je sois à côté de toi ». « Sinon quoi ? ». « Sinon, tu vas avoir mal. Tu n’imagines pas ce qu’ils nous font subir, ici. Sans diffuseur, tu ne resteras pas longtemps en vie, je peux te l’assurer ». J’osai la question : « C’est qui, ces « ils » ? Et qu’est-ce qu’ils vous font ? ». « Je ne peux pas te parler maintenant du Tecô-Régi-Stère, mais tu auras tes réponses en temps voulu. Tu as faim ? Nous avons de la bonne nourriture, sans nanoparticules, si tu veux ». Sérieusement ? De la nourriture sans nanoparticules ! A ce que j’avais compris, ça n’existait plus, à l’heure d’aujourd’hui. Je répondis à l’affirmative. Elle me tendit un légume rouge et un bol d’amarante. « Tu sais comment apprêter ton poivron ? ». « A vrai dire, je suis habitué aux plats pré-préparés que me livraient les drones commerciaux… Je… je ne sais pas cuisiner ». Ezil eût l’air mal à l’aise et me dit : « Prends ce couteau, coupe-le en haut, oui comme ça. Evide-le et fais des morceaux. Tu peux l’ajouter aux lentilles ». Je m’exécutai, et mangeai doucement.
– C’était bon ?
– Bah ! Dégueulasse. Quel goût amer ! Je fis la grimace. Ezel ria en me disant : « Et oui, c’est ça, la nourriture sans goût sur-ajouté. Bienvenue dans le monde réel, Aksel ». Elle ajouta : « Tu voudrais voir nos plantations ? Ainsi tu pourras interroger Harris sur les nanoparticules. C’est un expert en la matière. Et qui plus est… il fait partie de la première vague des saufsurvoyants. C’est un survivant, et un coriace !  Mais tu verras, il a… un peu perdu la boule. D’ailleurs, il ne parle plus le langage commun, seulement le saufsurvoyant. Si tu ne comprends pas ce qu’il dit, je ferai la traduction ». J’acceptai sa proposition.

Ezel plaça sur mes yeux un bandeau et me prit par la main. Pas après pas, j’essayai de compter les gouttelettes de pluie qui tombaient sur ma combinaison. Lorsque j’eus à nouveau la vision, je fus époustouflé par ce qui m’entourait. Des plants de légumes par centaines, dans une bicoque en bois, truffée de lasers, vert émeraude. Et il y avait ces cristaux turquoises, qui jonchaient les plantations. De nombreuses personnes en combinaison prenaient soin des plantes. Nous nous sommes arrêtés devant un homme de très grande stature, le visage criblé de rides. Harris, probablement. Il s’adressa à moi : « Askel, j’zupsôse ? ». Je n’eus pas le temps de répondre. Ezil prit les devants : « Aksel yé diama. Wi sinde in coupalage. Hi voske nètre + one lè n’no particulies ». « Sasa, jà kalkachaze furime ». Harris me regarda de haut en bas, et me sourit : « Jà vata donnaï é papire ké jà zékri one lè n’no particulies. Cét fore lè dé butane té, beute sil ti ave dè kesti-honnest, asque jà. » « Tu as compris Aksel ? ».

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