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Claire Droulez sur Secret de Sucre

Claire Droulez, l’une des étudiantes de Nathalie Duc, a choisi de faire son examen sur Secret de Sucre.
De part la clarté de ses propos concernant ce projet, son texte est publié sur www.asignar.art

CLAIRE DROULEZ

Bachelor Architecture d’intérieur

IPAC DESIGN GENEVE

06 mai 2025


Le projet « Secret de Sucre » est un projet créé par Nathalie Duc à partir de 2009 et qui continue à évoluer avec les années. Il s’agit d’un projet d’art conceptuel et contextuel. Le nom du projet combine à la fois le mot « Secret » qui fait référence à quelque chose à découvrir, qui est caché ou dissimulé, mais également quelque chose qui se chuchote ; mais également le mot « Sucre » qui est un aliment qui procure du plaisir ou qui apporte de la valeur au produit auquel il est rajouté.

Nathalie Duc réalise généralement des interventions diverses, des présentations ou encore des expositions au sein de musées en France mais également en Suisse. Lorsqu’elle fait des présentations orales, ses narrations orales de l’intervention ont lieu uniquement en Suisse Romande. En effet, les interventions « Secret de Sucre » sont séparées en deux performances. La première consiste à intervenir sur des oeuvres d’art tandis que la seconde est le récit de ces interventions racontées à l’oral sous forme d’histoires. Lors de chaque intervention, aucune trace d’objet n’est laissée sur place puisque l’ensemble des éléments rajoutés sont ensuite retirés. Il s’agit donc d’intervenir sur les oeuvres de manière temporaire et de courte durée. De plus, aucune image, vidéo ne sont réalisées afin de ne laisser aucune trace de l’intervention. L’absence de preuves matérielles permet de rendre ce projet intriguant pour les personnes qui le découvrent. C’est aussi une manière de développer des rumeurs au fil du temps. En effet, entendre l’histoire racontée mais ne pouvoir que se l’imaginer développe un aspect réel-irréel. Le spectateur peut penser que ce n’est pas réel, que ce n’est qu’une histoire imaginée puis racontée, avec comme objectif d’interpeller le spectateur. Les personnes ayant assistées à l’intervention peuvent néanmoins la raconter à leur façon, suivant leur propre interprétation. Au fil du temps, chaque personne va pouvoir raconter sa propre version à une tierce personne et ainsi parler du projet aussi bien de manière positive que négative. Le récit final peut être cependant assez loin de la réalité suivant l’interprétation de chacun, de sa sensibilité et de sa compréhension du projet.

Les interventions « Secret de Sucre » consistent à intervenir sur des installations, des oeuvres d’art déjà présentes au sein de musées ou d’expositions. L’intervention « Secret de Sucre » a pour objectif de venir déposer un objet sans pour autant détériorer l’oeuvre. En ajoutant cet objet, cela permet de rendre l’oeuvre discutable et ainsi de venir questionner le spectateur. A travers ce projet, Madame Duc incite le spectateur à vouloir remettre en question les manières « habituelles » de venir voir et visiter une exposition d’art mais également de se questionner, de remettre en question l’oeuvre et son message. En modifiant l’oeuvre, sans le mentionner, le visiteur peut alors remarquer le nouvel élément ou alors totalement passer à côté. Cela va dépendre de son regard, de sa notion des détails mais également de sa conception d’aborder une oeuvre d’art nouvelle. Lorsque le spectateur remarque un élément différent ou n’ayant pas de rapport direct avec l’oeuvre à première vue, il peut être soit intrigué, soit interpellé. Il peut également remettre en question l’oeuvre et son message. En se questionnant, cela incite à repenser totalement la notion de critique d’art au sein d’un musée, de sa fonction, de l’histoire de chaque oeuvre, de chaque installation. En effet, chaque individu interprète de manière différente une oeuvre, son message, ainsi que les
intentions et le message véhiculés par l’artiste.

Les interventions « Secret de Sucre » sont principalement axées sur des oeuvres dénonçant la société de surconsommation. C’est pour cela que ce sont des morceaux de sucre ou des morceaux de sel qui sont utilisés. En effet, le sel et le sucre sont des aliments qui se trouvent n’importe où et qui ne coûtent pas cher. Chaque personne dispose dans sa maison d’une boite de morceaux de sucre ou alors d’un pot de sel. En utilisant des aliments aussi basiques que le sel et le sucre, cela permet de dénoncer tout en montrant que l’on peut intervenir de manière très simple sur une oeuvre sans la détériorer.

La seconde partie du projet « Secret de Sucre » consiste à raconter les interventions sous forme de réunions, de conférences ou encore de performances. Le spectateur est alors plongé dans une recherche imaginative où il va s’imaginer le projet à partir de l’histoire racontée oralement, se faire sa propre image de l’intervention et ainsi de pouvoir réaliser sa propre réflexion sur l’oeuvre. En assistant à diverses représentations orales de « Secret de Sucre », les images perçues par le spectateur peuvent changer tout comme les lieux d’interventions. L’esprit, l’imagination sont alors tout le temps remis en question et peuvent être sollicités de manières différentes. Le spectateur commence par s’imaginer le lieu, qu’il peut ne pas connaitre, puis l’environnement de la pièce où l’oeuvre est exposée, et enfin sa mise en scène. A l’aide de l’ensemble des détails donnés à l’oral par « Secret de Sucre », il va développer ses propres images, ses propres idées. Il va écouter le discours raconté pour comprendre les intentions voulues mais pourra se faire sa propre opinion, son propre avis à propos du sujet dénoncé. Il pourra alors critiquer ou sera amener à se poser des questions lors de l’intervention.

Une intervention « Secret de Sucre » consiste à déposer un ou plusieurs morceaux de sucre au sein d’une oeuvre d’art pour lui apporter de la valeur. Suivant le nombre de morceaux de sucre ajoutés, cela va donner plus ou moins de valeur à l’oeuvre d’art. De plus, si le morceau de sucre est coloré, sa valeur est également supérieure. Le sucre est perçu comme étant un aliment qui procure du plaisir, de la joie et qui donne envie d’être consommé de manière très régulière. Il s’agit également d’un aliment qui est très présent dans l’alimentation de chaque personne, les rendant ainsi dépendant. Étant un élément addictif mais qui coûte très peu cher à produire, les industriels en mettent dans l’ensemble de leurs produits et dans des quantités toujours plus importantes. Cette surexposition au sucre dès le plus jeune âge rend les enfants totalement dépendants au sucre et aux produits des industriels. Ils vont alors toujours en demander plus pour pouvoir satisfaire leurs besoins et leurs envies. Le sucre est alors perçu comme étant un aliment délicieux, bon, et les enfants vont avoir tendance à s’orienter vers le sucre plutôt que vers le sel qui lui est perçu négativement.

En laissant la possibilité aux spectateurs présents au sein du musée de pouvoir intervenir sur l’oeuvre en ajoutant soit du sel soit du sucre, permet de rendre l’oeuvre plus vivante, plus attrayante mais également de voir si les personnes sont réceptives ou non à l’intervention et au message transmis. Néanmoins, si le spectateur n’est pas réceptif au message, il peut ajouter du sel sous différentes formes. Il existe le Sel de Mécontentement, le Sel d’Aversion et le Sel de Haine. En ajoutant du sel, la valeur de l’oeuvre baisse de manière bien plus importante que lors de l’ajout de morceaux de sucre. Suivant le type de sel ajouté, la baisse du prix de l’oeuvre est différente. La baisse est comprise entre 80 CHF et 280 CHF, ce qui représente une baisse de la valeur de l’oeuvre comprise entre 8 % et 28 %. Le sel est perçu comme un aliment mauvais pour la santé, qui ne possède pas un bon goût s’il est présent en trop grosse quantité mais également qui provoque des addictions qui vont pousser les personnes à toujours en vouloir plus. Cependant, par rapport au sucre, le sel en trop grosse quantité modifie tellement le goût que cela devient immangeable. C’est pour cela que le sel est perçu négativement pour la majorité des personnes contrairement au sucre qui est perçu comme quelque chose provoquant du plaisir chez les personnes. Au sein des projets « Secret de Sucre », il est alors demandé d’ajouter des morceaux de sucre si le spectateur apprécie l’intervention ou, au contraire, d’ajouter du sel si le message n’est pas compris, mal compris ou bien si le spectateur n’est pas du tout réceptif à l’oeuvre et à l’intervention, ou encore s’il n’est pas réceptif au concept de l’intervention « Secret de Sucre ».

Pour pouvoir signer ses interventions « Secret de Sucre », Madame Duc utilise un Magnet Signataire, lui permettant de signer ses interventions, ses oeuvres. Cet objet est en forme de 8 car elle porte une grande importance à ce chiffre aussi bien pour des raisons personnelles que pour la symbolique de ce chiffre. De plus, sa forme est facilement reconnaissable et permet ainsi de le voir plus facilement au sein de l’oeuvre sur laquelle elle intervient. La forme 8 est un assemblage de deux cercles qui sont collés entre eux. En changeant le sens de positionnement du chiffre 8, le chiffre va devenir un symbole représentant le signe de l’infini. Au sein de ses interventions, Madame Duc utilise également des morceaux de sucres ou de sel qui sont de la forme d’un 8. Cela permet d’uniformiser son intervention et de créer une réelle cohérence dans l’ensemble de son projet et de son discours oral. De plus, le sel et le sucre sont deux éléments qui proviennent de la nature. Le sucre est issu de la canne à sucre tandis que le sel provient de marais salants. Ils sont donc produits de manière infinie également et ne dépendent pas de la volonté de l’homme pour leur production.

Enfin, à travers l’ensemble des interventions de Madame Duc, il est possible d’ajouter virtuellement sur son site internet du sucre mais également du sel pour permettre à ses oeuvres de prendre de la valeur ou au contraire d’en perdre suivant les retours des spectateurs.

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