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Nanoparticules : dissimulations dans le domaine de l’industrie agro-alimentaire

Une panacée universelle ?

Dans la plupart des communications autour des nanomatériaux, on nous présente les prodiges de ces nouvelles technologies, qu’on hésitera pas, dans le domaine de la médecine, à qualifier de panacée universelle [1]. On nous parle de nanopolymériques attaquant les tumeurs, de machines à déboucher les artères, de nanomédicaments qui réparent les neurones. On nous vante les mérites des nanotechnologies dans le combat contre le cancer, contre l’Alzheimer [2]. Or, derrière ce mirage éblouissant se cache un véritable cauchemar [3], un scandale sanitaire de grande ampleur. La stratégie est simple : la toxicité est transformée en promesse médicale. Voyons plus en détails où et comment se dissimulent ces nanomatériaux.

Dissémination

Rien que dans la chaîne alimentaire industrielle, il faut compter sur la production de centaines de milliers de tonnes de nanomatériaux en 200886 (500’000 tonnes en 2012), qui sont introduits dans plus de 3’400 produits en France [4]. Chaque semaine, trois à quatre nouveaux produits contenant des nanoparticules sont insérés dans le marché [5]. Si ces matériaux nanométriques ont été utilisés dans l’industrie depuis les années 90, on assiste à une véritable explosion de leurs usages en 2003 [6].

Des applications toujours plus vastes, défiant parfois l’imagination, ne cessent d’être inventées. Les nanosilices, utilisées pour augmenter la fluidité, induire un effet anti-agglomérant ou anti-acidifiant, sont ajoutés aux sauces, aux soupes [7], au sel, au lait, au chocolat, aux crèmes en poudre, aux burgers [8]. La liste est longue : on trouve également des nano-silices dans les cookies, les beignets, le popcorn, les yaourts, les flans, les boissons (boissons sportives, certains sodas, boissons au soja, au riz, aux amandes), la purée de pommes de terre, les pâtes, les céréales [9].

Le dioxyde de titane est quant à lui utilisé dans les bonbons, les chewing-gums, les fromages, les crèmes à café, la mayonnaise, le chocolat, le glaçage, etc [10]. Cette nanoparticule est aussi ajoutée dans des produits non-alimentaires, tels que les crèmes solaires (afin qu’elles deviennent transparentes), le ciment, les cosmétiques (rouges à lèvres, vernis à ongles). [11]

Le lycopère synthétique nanométrique est placé dans des limonades, la margarine, certains fromages et jus de fruits. [12] Les dentifrices et un certain nombre d’emballages contiennent du nanoargent, particule utilisée pour ses effets abrasifs (dans le cas du dentifrice) ou antibactériens. Le nanoargent est utilisé dans des produits non-comestibles, tels que les biberons, les planches à découper, les saladiers, la coutellerie, les bacs à glace, les frigos, les congélateurs [13], les machines à laver [14], les textiles, les savons, les peintures, les tapis, les meubles, les jouets, les claviers d’ordinateur [15]

Dans le domaine médical, on en trouve dans les pansements, cathéters, valves, ciments osseux, sutures. Le nanoargent est même promu comme une alternative aux antibiotiques [16].

Les nanotubes de carbone ne sont pas directement utilisés dans l’industrie agroalimentaire, mais ils peuvent composer certains emballages ou détecteurs alimentaires. Il est important de préciser que les nanotubes de carbone sont six fois plus résistants que l’acier et cent fois plus légers [17]. Ils servent dans l’industrie militaire, notamment pour fortifier l’appareillage des soldats, et pour constituer des exo-squelettes [18]. On utilise des nanotubes de carbone dans l’aéronautique et dans l’industrie automobile. On en fait aussi usage pour la conduction électrique et autres applications électroniques [19].

Des produits plus extravagants, vendus aux USA, sont également au programme : on a pu voir apparaître de la nourriture ou des boissons dont la couleur et la saveur est personnalisable [20], un breuvage « sans parfum, mais qui peut devenir à volonté jus de framboise, de citron ou de pomme, selon le temps de passage en micro-onde », des chewing-gum à saveurs successives, des aliments qui ne font pas grossir (tels que des glaces ou des chocolats [21]), une bière qui reste fraîche plus de 18 mois [22]. Cela est sans compter les billes de saveur qui permettent de « sentir des goûts dans sa bouche sans aucune matière à avaler », les aérosols au chocolat, goût homard ou poire Belle-Hélène [23]. Plus qu’une réelle innovation culinaire, ces produits sont censés appâter la clientèle par leur caractère étrange, relevant presque de la science-fiction.

C’est en rendant ludique de tels produits que les industriels parviennent à banaliser l’usage des nanoparticules dans le domaine agro-alimentaire.

Références

[1] Roger Langlais, « Quand le nocif se fait nanométrique », France Culture, Continent Sciences, 27 octobre 2014, 57:00 [43 : 20], consulté le 4 janvier 2015.

[2] Ibid., [43 : 20]

[3] Ibid., [6 : 47]

[4] Ibid., [20 : 40]

[5] Les Amis de la Terre, « Petits ingrédients, gros risques, Les nanomatériaux envahissent rapidement notre alimentation et l’agriculture », 2014, pdf, p. 26

[6] Dorothée Benoit Browaeys, Le Meilleur des nanomondes, éditions Buchet/Chastel, Paris, 2009, p. 103

[7] Ibid., p. 32

[8] Ibid., p. 66

[9] Les Amis de la Terre, « Petits ingrédients, gros risques, Les nanomatériaux envahissent rapidement notre alimentation et l’agriculture », op.cit., p. 14

[10] Ibid., p. 14

[11] Dorothée Benoit Browaeys, Le Meilleur des nanomondes, op.cit., p. 55

[12] Ibid., p. 67-68

[13] Les Amis de la Terre, « Petits ingrédients, gros risques, Les nanomatériaux envahissent rapidement notre alimentation et l’agriculture », op.cit., p. 10

[14] Dorothée Benoit Browaeys, Le Meilleur des nanomondes, op.cit., p. 32

[15] Ibid., p. 97

[16] Ibid., p. 97-98

[17] Ibid., p. 31

[18] Exosquelette : « dispositif mécanique, métallique ou synthétique, mobile et embarqué sur un sujet qui s’en équipe comme il le ferait d’un vêtement, d’une armure ou d’une carapace. Un tel dispositif permet alors de démultiplier ces aptitudes physiques tant en termes de force que de rapidité, tout en protégeant l’utilisateur de certaines menaces environnementales ou en stabilisant sa posture dans des situations difficiles » dans Bernard Claverie, L’homme augmenté, néotechnologies pour un dépassement du corps et de la pensée, L’Harmattan, Paris, 2010, p. 43

[19] Dorothée Benoit Browaeys, Le Meilleur des nanomondes, op.cit., p. 31

[20] Ibid., p. 68

[21] Ibid., p. 68

[22] Ibid., p. 69

[23] Ibid., p. 64

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