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Civiliziaques

Texte écrit en 2017

Un homme sombre trace un cercle autour de lui. Ses traits sont tirés, il se concentre. Sa main, habile et dotée d’une force partielle, tient une baguette de fer. C’est ainsi qu’il signe le sable blanc qui l’entoure. Pourtant la lune contraste sur un drapé de noirceur, sans moindre étoile. L’atmosphère est venteuse, sauf que le grain de sable ne bouge. Terre de contraste, qui suinte de paradoxes, à coup sûr. L’homme creuse un sillon dans le sable, toujours sous forme circulaire. D’un coup d’oeil en survol, on verrait des cercles imbriqués les uns dans les autres, avec pour point central l’homme sombre, celui-là même qui les a tracé, celui qui serrait les dents et qui avec la poigne dure, l’oeil aiguisé dans le vent noirâtre qui fouette son visage crispé.

A y regarder attentivement, on verrait qu’autour de cet homme évolue un brouillard semi-argenté, semi-chargé d’obscur. Comme un brouillard plein de volutes qui viennent s’écraser sur lui, – presque ! – en permanence. En effet, le vent ne bat pas les plaines, il s’oriente et se concentre exclusivement sur l’homme sombre.

Si l’on se rapproche, on y entend un léger bourdonnement, fourmillement. Et des sons lourds, métalliques, archi-tranchants. Des sons des bas-fond, quand derrière une porte noire, se trouve une autre porte, et encore, encore, toujours plus profond dans le magma, et dans l’impalpable complexité qu’il représente. Ainsi, l’homme trace des cercles sur le sable, et lorsqu’il arrive au dernier des cercles, sa main tremble. Il retient son geste. Il hésite. Puis achève son oeuvre.

Intérieurement, il se calibre de façon à se sentir prêt à affronter son épreuve.
L’homme sombre retient son souffle. Il s’abaisse, et glisse dans la fente du plus petit cercle un peu d’huile depuis un flacon grenat, en tournant sur lui-même. Il se redresse. D’un coup, comme un foudroiement, le cercle s’embrase, puis ceux qui l’entourent. Le feu circulaire l’encercle et lui crame jusqu’aux sourcils ! Pourtant ces derniers ne fondent, bien qu’ils soient transformés par la puissance des flammes.

De façon étrange, l’homme sombre souffle puis retient sa respiration, pour souffler encore. Les nuages qui l’entourent semblent réagir ; ils foncent droit sur les flammes, se font absorbées puis sont recrachées avec force. Ils semblent perdre leur densité.

D’un geste brusque, l’homme sombre traverse les flammes avec son bras, puis se met à jouer avec elles. Il amorce une danse, qui débute par quelques lâcher-prises que seuls les jongleurs connaissent seulement. Il lance des flammèches dans toutes les directions, et elles reviennent sur lui, frôlant son torse et brûlant les tissus noirs qui l’habillent. Pourtant, sous ces habits noirs se trouvent d’autres habits noirs, ce qui fait que l’homme n’est jamais mis à nu. Les flammèches ont atteint les autres cercles, par effet de propagation. La chaleur est à son comble.

L’apparence de l’homme sombre semble quelque peu altérée. Devenu squelettique, comme si les flammes lui avaient arraché son suc, il lorgne le brasier qui l’entoure. Privé de sa vitalité, il semble avoir vieilli d’années en fort nombre.

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