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Civiliziaques

La porte se referme à grand fracas. La pénombre ne masque pourtant aucunement une échelle, incrustée dans la pierre. La pièce est minuscule. En levant la tête, le vieil homme aperçoit un carré de lumière orangé. Il dit à voix haute :
– Chapeau, je pense que cette échelle nous devons gravir.
– Fais donc, Drézil le Vieux, fais donc, répond la Coiffe.
Le vieillard soulève son corps lourd de rides, et monte sur l’échelle, laissant lieu à une véritable cacophonie de craquements, tant son squelette est en proie aux rhumatismes. Il marmonne :
– Maudit soit ce déguisement… Si au moins il me privait des douleurs de l’âge…
– Chuuuuut. Ne parle point de ceci. Cela se sachant, tu perdrais toute chance de parvenir à ton but. Gravis sans te plaindre, voyons ce qu’il se cache dans les hauteurs.
L’effort est rude, et pourtant Drézil parvient à atteindre le haut de l’échelle. Le spectacle qui se déroule sous ses yeux plissés est pour le moins estomaquant.

Un immense espace se révèle, très haut en ciel fermé, scindé par des multiplicités de petites parois, qui de tissus semblent composées. Au sein de ces petites cabanes au plafond absent, se devine un véritable grouillement de vie. Les membres du Peuple Eshaesh circulent d’entre les parois toutes en patchworks bariolés constituées. La chromatique première de cette ambiance est l’orangé, touché par quelques zestes de rouge et de jaune.

Sur les bords, de nombreux échafaudages sont montés, reliés par des tyroliennes, permettant ainsi d’accéder aux différentes extrémités de la place. L’un de ces attirails est posé devant Drézil, qui ne manque pas d’avoir l’idée de l’emprunter. Ne s’attardant pas sur les mille questions qui font tintamarre dans sa tête, il saisit la tyrolienne et se lance en avant, avec un élan considérable. Le vent lui fouette le visage, saccadant sa vision, ne laissant en souvenir que des flots furtifs d’orange et de rouge, tant son destrier de fer va vite. D’un coup, ses pieds touchent terre, et freinent aussi fort que possible, s’enfonçant dans un sable orangé. Autour de lui, se trouve une foule de gens, qui le regardent avec un effroi fort mal calfeutré. Le vieillard lâche la tyrolienne, et s’adresse aux personnes qui le regardent :
– Peuple Eshaesh. Je suis Drézil le Vieux. Ma route fut longue et périlleuse, mais enfin, je me trouve devant vous.
Il allait continuer sa longue tirade introductive, mais n’eut nullement le temps d’en faire le déploiement, car un bout de tissu vient se nicher dans sa bouche, l’incapacitant en matière de parole.
Un Eshaeshi prend la parole :
– Qhueh chet Hobjhet lhui hôte lah parhole, jushqu’à déchishion phrise deh mah phart.
Une vieille dame toute recourbée, aux cheveux masqués par un voile jaune, s’exprime avec une voix qui contraste avec sa fébrilité, tant elle est grave :
– Hun Héthranger… Phourqhuoi dhonc lhes Ghardhiens het lhes Qhesteurhs l’hont-ilh lhaissé phaire vhisite hau Pheuphle Eshaesh, hainsi dhemande Hyrih lah dhénommée.
Un drastique silence s’installe. Hyrih a les yeux pleins d’une fureur que nul ne souhaite observer longtemps. Elle crie soudainement :
– Hharakah. Jeh vheux intherrogher chet Héthranger. Rhappelleuh dhonc thon Hobjhet. J’hai phlusiheurs Qhuestziones hà lhui shoumetthre.
– Phure pholie, rétorque Hharakah. Neuh teh rhemémores-tuh phoint lah vhoix henchantheresshe duh dhernier Héthranger ? Ilh nhous ah thous envhoûté, rhappelle-toi le dhésasthre chorrélhatif hà sha vhenue…
– Hexhécuthe-toih, jeh the l’hordhonne.
Le tissu se retire. Drézil souffle à grands coups.
Bruissement de la foule.
Sans avertissement moindre, la vieille Hyrih tape soudainement avec force sur le sable, à l’aide d’un bâton rouge aussi recourbé qu’elle. On aurait dit une sorte de faux, sans tranchant, pourtant.
Une onde s’en échappe, dispersant la foule. La place sur laquelle avait atterri Drézil se trouve soudainement vide, à l’exception de la vieille. Cette dernière clame :
– Qhue chet Bhâthon deh Sholithude hécharthe lhes Eshaeshi’s leh Themps deh mhon henthrethien havec l’Héthranger.
Elle s’approche du vieillard, et le gifle.
– Chechi hen ghuishe d’havertisshement. Shi leh déshordhre tuh inshtalles, mah Bhaghue que vhoichi, inshtaurera lah dissholuthion deh thon chorphs. Héthranger…
Elle lui tend un minuscule miroir.
– … Vhois chette mharque shur tah jouhe.
Drézil remarque sur sa joue une minuscule croix rouge.
– Chette mharque dishparaîthra shi chorrecth tuh reshteras, leh lhong deh tah vhisite.
Le Chapeau chuchote :
– Voici qui complique notre affaire… Demande-lui pour quelle satanée raison cette vieille est en possession d’un Objet aussi malfaisant. Un Objet n’est nullement censé causer la mort ou la blessure…

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