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Civiliziaques

Il remet la main sur le sol, déterminé à tenir face à la dureté de ce qu’il devait traverser. Versant le contenu d’une seconde fiole, cyan d’apparence, il ressent soudainement un froid implacable, qui le glace jusqu’à la dernière vertèbre.
Cette fois-ci, ce ne sont pas des flammes incandescentes qui jaillissent des cercles, mais bel et bien des flots de givre.

Cette fois-ci, lorsqu’il plonge les doigts dans la glace qui lui fait face, ceux-ci se retrouvent bloquées, immobilisées. C’est un effort presque titanesque qu’il doit entreprendre pour débloquer ses doigts de la glace. Lorsqu’il retire ses doigts, la glace poursuit sa chair, tentant ardemment de les ramener à elle.
Il parvient néanmoins à s’en défaire, car l’homme sombre connaît la célérité, et la puissance de sa volonté. Cette fois-ci, il plonge son bras dans le flot de froid, et s’en retrouve prisonnier. L’effort de volonté est immense, et pourtant il parvient à s’en soustraire.

Un frisson parcourt son corps, allant jusqu’à son coeur. Il tremble.
D’un geste précis et gracieux, il tend ses bras à l’horizontale, puis les rassemble comme s’il tenait dans ses mains une boule. La glace le foudroie. Son corps se retrouve pétrifié. Les nuées argentées qui semblent hanter cet homme glissent entre les cristaux de givre, et viennent se nicher jusque dans les failles les plus profondes. Elles emplissent la glace et viennent se lover contre son cœur, puis disparaissent. Il suffoque.

Ses doigts forment successivement des signes saccadés. Ses yeux semblent distants et perdus dans le lointain, et pourtant bougent. Après de multiples positions réalisées avec ses mains, la glace se retrouve projetée à la ronde, en une multiplicité d’infimes poignards, qui retombent sur le sol couvert de sel.

L’homme se recroqueville, ses mains ankylosées touchent terre.
Sa vision est floue, il est pris de vertige.
Le froid avait mordu son être jusque dans ses vestiges les plus anciens.
Il n’est plus le même.
Des filaments si tissés en longueur touchent la terre ; il s’agit en réalité d’une toison capillaire nouvelle, qui orne désormais son crâne. Les tatouages bleus qui sculptent sa calvitie bien marquée semblent vibrer dans la nuit. En se relevant, l’homme sombre remarque qu’il n’est plus l’homme sombre, mais le vieil homme d’argent. Sa chevelure, aussi chétive que lui, fait écho au sel qui compose le sol, et le rejoint tant elle est longue.

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