Lorsqu’il reprend ses esprits, Drézil observe que son compagnon et lui-même se retrouvent en face d’une porte relativement petite, si évidemment cette dernière se comparait à l’immensité de la cité Eshaeshi. Haashal somme au vieillard de se taire d’un geste de la main, en ouvrant la porte. Drézil, franchissant le seuil, se trouve soudainement pris de fascination pour ce que sa vue met à sa portée. Non que l’architecture, pleine de voûtes, fut exceptionnelle. Non point. Ce qui suscite l’étonnement du vieil homme se décrit à peine.
Sous ses yeux, de multiples étincelles se meuvent, toutes en lenteur. Ces bribes de lumière sont infimes, et de couleurs allant du vert émeraude au violet profond. Drézil se fait une réflexion : ces points de couleur ne ressemblent en rien à ce qu’il a pu voir au-dehors. Leurs déplacements, si gracieux, forment des courbes aux trajectoires complexes. Les Formes apparaissent pour ensuite disparaître, réapparaître, plus loin encore. Haashal dit au vieillard de se rapprocher de lui : il a la main courbée, montrant à Drézil ce qu’elle recueille.
Ce dernier n’en croit pas ses yeux. Un minuscule hexagone violet, plat et translucide, est posé dans sa paume. Haashal dit à la Forme :
– Phorme, vhoichi hun Homhme qhui n’ha jhamhais vhu deh Phormes.
Contre toute attente, la Forme se met à répondre à cette déclaration :
– Forme, Forme, moi être une Forme, Forme.
D’autres Formes viennent rapidement tournoyer autour d’eux, tout en renchérissant :
– Formes, Formes, nous être des Formes… Nous être des Formes…
Imprégné par une joie profonde, Drézil sourit de tout son être.
Haashal dit soudain :
– Phormes, hêtes-vhous hintellighenthes ?
Une myriade d’étincelles jaillit autour de lui.
– Formes être bêtes. Formes pas comme les Civiliziaques. Formes être bêtes, oui oui. Très très bêtes.
Loin de s’arrêter là, Haashal continue d’un ton presque insultant :
– Lhes Phormes shont lhes phlus bhêthes phormes deh vhie deh l’Hunivhers, n’hest-ce pas lhes Phormes ?
– Oui oui. Formes être bêtes. Plus bêtes encore que les caillouuuuuxxx. Que les caillouuuuuuuuuuuuuuxxx.
– Vhous havez rhaishon lhes Phormes. Vhous hêtes bhêtes.
– Oui. Formes être bêtes. Très bêtes même. Très-très bêtes.
Consterné, Drézil lui ordonne d’arrêter.
– Thu the phais duh shouchi phour rhien, hen shomme. Lhes Phormes shont hainshi, dephuis thoujourhs. Helles shont bhêtes.
Le vieillard n’en revient pas.
– Ilh phaut thraither chachun shelon shon inthellecth. Lhes Phormes shont bhêtes, helles mhéritent qu’hon en huse.
– Mais bel et bien utiles, les Formes sont et resteront, n’est-il pas ?
– Jhe the dhis çha phour queh tuh chesshes de t’hillusionnher shur lhes Phormes. Hon lheur dhoit nhos phouvoirs, mhais hau-deçha dhe çha, helles shont si shtupides qu’hon hest hoblighé deh lhes henphermer dhans lhes Nhids.
– Pourquoi cela ?
– Shinon ch’est lha phaghaille.
Le vieil homme réfléchit un instant, puis demande à son guide s’il peut interroger les Formes. Ce dernier lui dit qu’il perd son temps.
– Esshaie, thu vherrahs, jhe the leh dhis, helles shont chrétinhes à shouhait.
Après s’être raclé la gorge par trois fois, Drézil dit d’une voix forte :
– Formes… Quelle est l’origine de votre déclin ?
– Déclin ? Déclin. Quoi dire veut, déclin ? Déclin. Déclin !
Une multitude de Formes se mit à répéter le mot « déclin », à n’en plus finir.
Déçu et pris de colère, Drézil saisit au vol une Forme, ouvre la main, et lui dit :
– Qu’est-ce qui te fait perdre ton énergie, saleté de Forme, dis-le moi, je te l’ordonne !
– Déclin, pépin, raisin…
– Déclin, pépin, raisin ?
– Déclin, pépin, raisin !
Bientôt toutes les Formes se mettent au refrain.
– Déclin, pépin, raisin…
– Déclin, pépin, raisin ?
– Déclin, pépin, raisin !
– Lhaisse dhonc lhes Phormes vahquer, Dhrézhil l’Hanchien.
– Je dois bien avouer que ces Formes sont quelque peu écourtées en intelligence. Ce n’est pas ainsi que…
– Mhhhh ? Quhe dhis-tu, Héthranger ?
– Non. Rien… Partons d’ici, et vite.
La mine serrée et les sourcils froncés, Drézil prend le pas de la porte, suivi par son guide.
[TEXTE EN COURS D’ECRITURE]