Drézil sourit et ajoute d’un ton provocateur :
– J’ai eu le bonheur d’entendre parole autour des Formes Antagoniques.
– Cesse donc de becqueter ta foutaise de voix, Etranger.
– Tu n’es pas censé connaître les Formes Antagoniques.
– Comment se fait-il qu’il les connaisse ?
– Tu as vu juste Etranger. Nous sommes également les Gardiens des Formes Antagoniques.
– N’est-ce donc pas ces deux Formes de force opposée, qui ne doivent en aucun cas, même la guerre, se rejoindre ?
– Arrête sitôt de dire tel, Etranger.
– Mais vous ne m’avez pas parlé de la deuxième propriété de vos casques.
– Nos casques…
– Non, Etranger, immédiatement nous cessons de faire converse avec toi.
– Vous n’appartenez à aucune Faction, n’est-il pas ?
– Quelle provocation !
– Cet Etranger est bien trop renseigné. Cela sent le charbon puant. Nous devons l’éloigner de la rive. Nous devons le renvoyer au Lac, et faire de sorte que ce vieillard n’en revienne au combien jamais.
Sitôt, le Chapeau prit la parole :
– Vieillard, il est temps de ruser, ils ne t’accepteront pas en leur sein, si stratégies tu ne déroules à temps donné.
Drézil se met immédiatement à brosser la broche de sa toge.
Les deux gardiens cessent immédiatement de s’agiter. L’un d’entre eux s’exprime en ces termes :
– Non, crois-je peut-être le faux, mais crois-je en somme que cet Etranger nous veut du bien. Il a fière allure.
– Quelle jolie broche as-tu, Etranger. Est-elle un Objet, ou quoi d’autre ?
– Non, aucunement cette broche n’est un Objet. Un vieux souvenir de ma mère, légué à sa mort, il y a nombre de décennies passées.
– Belle broche, j’avoue franc. Ne point voudrais-tu me la léguer ? Soin j’en prendrai à coup sûr, tant elle est belle.
– Souvenir maternel. Impossible de faire transmission d’un trésor en héritage. Elle souligne le moment de son trépas, que je ne souhaitais guère, et que je redoutais par-dessus tout, tant je l’aimais.
– Je comprends, Etranger. Garde donc ta broche.
Quelque peu impatienté par leurs réactions, Drézil lâche soudain :
– Me laisserez-vous passer, Gardiens des Peuples Civiliziaques, ou me refoulerez-vous à votre porte ?
Le premier gardien chuchote à l’autre :
– Que faire, nous devons à l’instant ?
– Oui, que faire, je le dis à ton unisson ?
Conscient que les deux Gardiens transpirent d’hésitation, le vieillard sort discrètement son Sifflet de Suggestion du Sac-Sans-Fond, et abonde en souffle à l’intérieur. Ni vu, ni connu, il le replace dans sa besace. Les deux Gardiens sursautent en même temps, puis disent ensemble, d’une même voix :
– Foi de Civiliziaque, que de Forteresse Hexagonique, la Porte s’ouvre.
Le deuxième renchérit :
– Que passe l’Etranger, qu’il soit notre invité, le temps que nos Avant-Coureurs choisissent en Cour Passage.
Satisfait de lui-même, le dénommé Drézil passe le portail, qui était si immense qu’il donne à coup sûr le tournis, à quiconque le traverserait lestement. Durant toute la traversée, son Chapeau ne cesse de le féliciter, caressant sa fierté de façon si câjoleuse que le vieillard en eu le cœur comblé.